Entre 2011 et 2019, j’ai travaillé sur un doctorat interuniversitaire en histoire de l’art. Je place ici le brouillon de ma thèse. Vous pouvez consulter le plan complet du projet et une description de mon parcours. N’oubliez pas qu’il s’agit d’un brouillon.


3.3 La structure associative

3.3.1 L’importance de la structure associative

Le bilan historiographique a montré la tendance voulant assimiler l’AAM à une institution muséale. La pérennité et le succès du Musée des beaux-arts de Montréal a certainement contribué à la popularité de cette approche. L’identification de l’année 1860 comme moment fondateur du MBAM l’ancre dans l’histoire. Elle permet de souligner avec fierté que cette date précède la fondation des musées des beaux-arts de New York, Boston et Philadelphie1. L’histoire officielle reprend cette approche, tout en prenant soin de rappeler la nuance entre le MBAM et l’AAM2. Pourtant, la nature associative de l’AAM est fondamentale. Elle permet de comprendre son institutionnalisation et sa transformation en musée.

Au XIXe siècle, le milieu anglo-saxon s’organise en associations autour d’un intérêt commun3. Montréal ne fait pas exception à cette coutume. À titre d’exemple, en 1857, des groupes sont organisés autour de questions liées à l’origine ethnoculturelle, à la promotion de la modération dans la consommation alcoolique, à des œuvres charitables ou à la religion4.

La question culturelle est surtout portée par quatre organisations. Du côté francophone, l’Institut canadien de Montréal est fondé le 17 décembre 18445. Il possède une imposante bibliothèque et organise de nombreuses conférences6. Son libéralisme culturel entraîne une forte opposition de l’évêque catholique de Montréal Ignace Bourget, une opposition menant à la démission de 138 membres en 1858. En novembre 1869, l’affaire Guibord marque son déclin irrémédiable7.

Chez les anglophones, la Mercantile Library Association est créée en novembre 18408. Sa bibliothèque et ses conférences s’adressent surtout aux commis-marchands9. En 1885, elle sera absorbée par la Free Public Library du Fraser Institute en même temps que l’Institut canadien10.

Pour sa part, la Natural History Society est fondée en mai 182711. Elle connaît son apogée au milieu du XIXe siècle avant de subir un lent déclin à partir de 1877. Elle est dissoute en 1925 et ses collections sont dispersées entre les musées Redpath et McCord.

Enfin, le Montreal Mechanics Institution est fondé à Montréal en 182812. Son objectif consiste à « voir à l’éducation de ses membres dans les arts et les branches variées de la science et du savoir utile ». À la suite de rivalités entre plusieurs de ses membres, ses activités sont suspendues. En 1840, le Mechanics’ Institute of Montreal lui succède. Il adopte une constitution semblable à son prédécesseur. Une bibliothèque est formée. À partir de 1843, il organise des expositions industrielles. En 1855, il s’établit d’une manière permanente dans un immeuble situé au coin des rues Great St. James et St. Peter. Son auditorium est nommé Mechanics’ Hall. Il connaîtra une grande popularité pendant près de trente ans. D’ailleurs, il sera agrandi en 1863. Avec le développement du Conseil des Arts et Manufactures financé par le gouvernement canadien, certaines de ses activités perdent en importance. Ainsi, les derniers cours en géométrie et sur les engins à combustion cessent en 1868. Au début du vingtième siècle, il déménage dans un quartier résidentiel montréalais. En 1962, sa bibliothèque devient la Atwater Library.

1 Pierre Leduc, « Les origines et le développement de l’Art Association de Montréal (1860-1912) », thèse de doctorat, Université de Montréal, 1963, p.21.

2 John H. Steegman, Catalogue of Paintings. Montréal, Montreal Museum of Fine Arts, 1960, p.3; Georges-Hébert Germainb, Un musée dans la ville. Une histoire du Musée des beaux-arts de Montréal, Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal, 2007.

3 Peter Clark. British Clubs and Societies. 1580-1800. The Origins of an Associational World. Oxford, Oxford University Press, 2000.

4 Sur l’origine ethnoculturelle, citons les sociétés de Saint-Georges (Angleterre), Saint-Patrick (Irlande), Saint-Jean-Baptiste (Canada français), Saint-Andrew et calédonienne (Écosse pour les deux). Sur la question de l’alcool, citons la Montreal Temperance Society, la St. Patrick’s Total Abstinence Society et la branche des Sons of Temperance pour le Canada-Est. Sur la question des œuvres charitables, citons la Ladies’ Benevolent Society et l’Irish Protestant Benevolent Society. Sur la question religieuse, citons la French Canadian Missionary Society, la Wesleyan Missonary Society, la Ladies’ Bible Association, la Montreal Auxiliary Bible Society et la Tract Distribution Association. Voir The Montreal Pocket Almanack for 1857, Montréal, Starke, 1857, p.93-100 ; McKay’s Montreal Directory, Montréal, Owler et Stevenson, 1857, 452-472.

5 La Minerve, 19 décembre 1844, [p. 3]. Sur l’Institut Canadien, voir l’article « Institut Canadien » dans l’Encyclopédie canadienne.

6 En 1850, un incendie rase ses locaux et détruit ses archives, Voir Hervé Gagnon, Divertir et instruire. Les musées de Montréal au XIXe siècle, Montréal, GGC Éditions, 1999, p. 14. Sur les débats autour de l’Institut Canadien, voir Yvan Lamonde, Gens de parole. Conférences publiques, essais et débats à l’Institut canadien de Montréal, 1845-1871, Montréal, Boréal, 1990.

7 L’affaire Guibord fait suite au décès de Joseph Guibord en novembre 1869. Étant membre de l’Institut Canadien de Montréal, Mgr Bourget refuse qu’il soit inhumé en terre consacrée. La veuve poursuit l’évêque. En 1874, le Conseil privé renverse la décision de l’évêque. Le 2 septembre 1875, une foule catholique indignée fait échouer l’inhumation. Elle se produit finalement le 16 novembre 1875 sous escorte policière. Après l’enterrement, le lot du cimetière où repose Joseph Guibord est désacralisé. Voir l’article « Affaire Guibord » dans l’Encyclopédie canadienne. Plusieurs personnes proches de l’AAM aideront financièrement l’Institut Canadien en 1870 à la suite de cette affaire, dont George A. Drummond, Frederick Kay, Dugald Lorn McDougall, Benaiah Gibb, George Henry Frothingham et David Morrice. Voir Annuaire de l’Institut Canadien pour 1870, Montréal, Institut Canadien, 1870, p.19.

8 Le Canadien, 30 novembre 1840, p. 2.

9 Yvan Lamonde, Les bibliothèques de collectivités à Montréal (17e – 19e siècle) : sources et problèmes, Montréal, Bibliothèque nationale du Québec, 1979, p.49.

10 Voir Pierre Leduc, op. cit., p. 12 et Yvan Lamonde, op. cit.

11 Sur l’histoire de la Natural History Society, voir Hervé Gagnon, Divertir et instruire. Les musées de Montréal au XIXe siècle, Montréal, GGC Éditions, 1999, p.105-131.

12 Sur l’histoire du Montreal Mechanics Institute of Montreal, voir Atwater Library.