Entre 2011 et 2019, j’ai travaillé sur un doctorat interuniversitaire en histoire de l’art. Je place ici le brouillon de ma thèse. Vous pouvez consulter le plan complet du projet et une description de mon parcours. N’oubliez pas qu’il s’agit d’un brouillon.


4.8 Conclusion partielle sur l’AAM et la Loan Exhibition

Entre le moment de sa création en 1860 et l’organisation de la dernière « Loan Exhibition » en 1914, l’AAM a vécu un processus d’institutionnalisation. Provenant d’horizons variés mais unies dans une volonté commune de faire la promotion des beaux-arts à Montréal, des centaines de personnes ont mis leurs forces en commun.

Les moyens pour atteindre cette mission éducative ont été énoncés dès le départ, de l’exposition d’oeuvres d’art à la constitution d’une collection permanente en passant par l’offre de cours artistiques, la constitution d’une bibliothèque et l’organisation de conférences. Durant cette période, l’AAM a été remarquablement constante dans sa mission et dans les moyens envisagés pour l’atteindre. Si ses règlements internes ont été revus à quelques occasions, ils n’ont jamais remis en cause ces deux aspects.

La description de ses transformations dans le temps a permis de mettre en relief la place des « Loan Exhibitions » au sein de l’AAM. Au début, l’événement définit l’association. Il est sa principale activité. L’ouverture d’un premier espace permanent change son rapport à ce type d’exposition d’oeuvres prêtées. Elle entre en compétition avec l’exposition du Printemps consacrée aux artistes canadiens contemporains. Elle finit par être supplantée par cet événement dans le calendrier des expositions.

Le développement de la collection permanente et le long accrochage de la « Loan Collection » l’empêche également de devenir un musée de substitution.

De plus, les coûts importants qui lui sont associés, le développement des collections montréalaises et la présence d’alternatives moins dispendieuses réduisent son attrait. D’événement unique, elle devient un simple service à rendre aux membres afin d’exposer les œuvres de leur collection. Le décès de plusieurs collectionneurs importants et le déclenchement de la Première Guerre mondiale complètent son déclin.

Des activités s’institutionnalisent au sein de l’AAM. L’Exposition du Printemps, les cours artistiques, la bibliothèque, la salle de lecture, les conférences et la collection permanente s’installent d’une manière durable. La « Loan Exhibition » ne connaît pas le même sort.

Dans cette perspective, le concept de proto-institution fournit un angle supplémentaire permettant de comprendre le recours à cette modalité d’exposition. En effet, il qualifie un moment dans la vie des institutions durant lequel des activités s’installent d’une manière durable.

Or, dans le cas de l’AAM, l’association paraît alterner entre les statuts de proto-institution et d’institution entre 1860 et 1914. Elle énonce à maintes occasions son désir d’émancipation et d’autonomie à l’égard de ses membres, mais elle peine à y arriver. Sa dépendance financière à l’égard de ses membres demeure importante durant toute cette période. Seules les dations de plus en plus importantes lui permettront de résoudre ce problème.

Qu’il s’agisse de sa présence dans les salles de la Mercantile Library Association ou de son immeuble au Square Phillips, sa vulnérabilité institutionnelle est bien présente. Elle remet en cause son existence et sa pérennité.

Les fondements de son autonomie ne semblent installés qu’en 1912 au moment de l’inauguration de son nouvel immeuble sur la rue Sherbrooke. Le fait que les « Loan Exhibitions » se terminent au même moment est significatif. Il inscrit clairement la période entre 1860 et 1914 dans une perspective proto-institutionnelle.