Entre 2011 et 2019, j’ai travaillé sur un doctorat interuniversitaire en histoire de l’art. Je place ici le brouillon de ma thèse. Vous pouvez consulter le plan complet du projet et une description de mon parcours. N’oubliez pas qu’il s’agit d’un brouillon.
4.5 Le legs Benaiah Gibb
En février 1877, le secrétaire de l’AAM s’inquiète publiquement1. L’organisation d’une nouvelle exposition peut coûter 300 $ à l’association et entraîner un déficit. Ce dernier doit être épongé par les membres. Ce risque nuit à la motivation.
En mai 1877, Benaiah Gibb lui lègue une collection de tableaux et bronzes, un terrain près du Square Phillips et une somme de huit mille dollars2. Au moment de son décès, Benaiah Gibb est un membre important de la communauté d’affaires de Montréal3. Il est associé à l’AAM depuis sa fondation puisque son nom se retrouve sur la liste des premiers souscripteurs en 18604. Il en assure la vice-présidence en 18645. Il prête aussi des œuvres en 1864, 1865, 1867 et 18706. Sa présence et ses prêts sont l’objet de beaucoup d’estime. Le président de l’AAM Francis J. Fulford jette un regard positif sur sa collection7. Il est rejoint par la presse dans ces louanges8.
Son testament est rédigé le 11 mai 1877. Il est divisé en quarante-neuf paragraphes. Nombre d’entre eux fournissent les détails devant permettre la subsistance financière de son neveu Charles Gibb et de ses nièces Catherine Ann Ferguson et Elizabeth Caroline Orkney.
Plusieurs organismes montréalais profitent de sa générosité dont le Western Hospital, la French Evangelical Protestant Church, la mission Sabrevois, le synode du diocèse de Montréal et les Ladies of the Protestant Orphan Asylum of Montreal. Pour sa part, l’AAM reçoit la plupart de ses œuvres d’art, un terrain et des ressources financières.
Pour le collectionneur, la distinction entre les beaux-arts et les objets de curiosité est claire. Ainsi, il ne transmet pas la propriété de ces derniers à l’AAM ; plutôt, il les lègue à son neveu et à ses nièces9. Ainsi, Catherine Ann Ferguson hérite des meubles, des objets en bronze, des livres consacrés à la musique, des gravures, des parfums, d’un anneau en or, d’une théière, d’un pianoforte et d’autres objets similaires. Elizabeth Caroline Orkney reçoit des objets de Jérusalem, diverses curiosités, le stéréoscope et les vues l’accompagnant. Elles se partagent des soies de Damas, des parfums, un coffret acheté à Paris et des objets décoratifs. Le testament termine cette hiérarchisation des œuvres par les sculptures et les peintures. Elles héritent de deux bronzes et douze toiles.
Le développement du goût pour les beaux-arts dans la métropole canadienne encourage Benaiah Gibb à soutenir l’AAM :
Having observed a growing taste for the fine arts in this city, and a desire having been frequently expressed by many of our citizens for the formation of a public Picture Gallery, and an Art Association having been formed a few years ago for the promotion of the Fine Arts, of which Association I have myself been a member since its formation. And whereas from the success of recent public exhibitions of works of art held here, and the interest manifested therein by the citizens generally, the Art Association of Montreal has given tokens of a permanent existence. I do theretofore give + bequeath to the City of Montreal, represented by the said Art Association of Montreal, all my collection of Oil paintings consisting view of about Eighty-four, and six Bronzes, as more particularly set forth and described in a list attached to this my Will, and signed by me, and the said Notaries, and I also bequeath to the said Art Association of Montreal my Paintings I may hereafter purchase at any period previous to my death, it being my desire that these paintings may form a nucleus of a permanent gallery of works of art in the City of Montreal10.
En plus de ces toiles et bronzes légués directement à l’association, ceux conservés par ses nièces doivent lui revenir après leur décès11. Considérées comme inférieures, certaines peintures ne sont pas dignes de former le noyau de la collection permanente d’une galerie d’art. Le collectionneur les exclut de la dation12.
1 Honorary Sec’y Art Association, « To the Editor of the Gazette », Montreal Gazette, 6 février 1877, p. 2.
2 À moins d’indication contraire, toutes les informations et les citations sur le testament de Benaiah Gibb proviennent de l’exemplaire du 11 mai 1877 conservé dans la chemise « GIBB, Benaiah – Testament » conservée au service des archives du MBAM.
3 Voir la notice biographique consacrée à son père dont il partage le nom, soit Joanne Burgess, « Benaiah Gibb », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Québec / Toronto, Université Laval / Université de Toronto, 1987, [en ligne], <http://www.biographi.ca/fr/bio/gibb_benaiah_6E.html> (page consultée le 10 octobre 2019).
4 List of Original Suscribers to the Art Association of Montreal, document retiré des spicilèges de l’AAM, conservé dans la boîte A1848 au service des archives du MBAM.
5 Rencontre du conseil d’administration du 11 janvier 1864, Annual Meetings / General Meetings, January 1860 – Novembre 1954, p. 36, conservé au service des archives du MBAM.
6 Catalogues AAM1864, AAM1865, AAM1867 et AAM1870.
7 « And it was with much satisfaction that we secured Mr. B. Gibb as our Vice-President, who himself possesses the finest collection of pictures in Montreal, some of which are now on the walls of this room. I wish we had a better place in which to exhibit them. », dans « Art Association of Montreal », Montreal Gazette, 12 février 1864, [p. 2].
8 « The ex-Vice President of the Association, Mr. Benaiah Gibb, has perhaps done more than any one in Montreal to foster the taste for good pictures, and the beautiful gallery attached to his residence, which he kindly throws open to any lover of Art, has re-acted upon others of our citizens who, in a spirit of fair rivalry, have become possessors of those works which formed such a source of gratification to all whose privilige it was to be present at the brilliant gathering of last evening. », dans Art Association of Montreal. Fourth Exhibition. », Montreal Daily News, 6 février 1867, article conservé dans les spicilèges de l’AAM, vol. 1, 1864-1887, service des archives du MBAM.
9 « I give devise and bequeath to my said nephew Charles Gibb all my collection of ancient coins and all my Egyptian curiosities, namely Mummy, Crocodiles, Ostrich eggs, Blue Egyptian Pottery figures, Skin of the Tree from the Orinoco, Rhynocerous horn & Hippopotamus teeth, also farthing containing a Silver pennypiece bequeathed to me by my Father, conditionally that Mrs Ferguson and Elizabeth Orkney are to have any portion of said curiosities they may desire »
10 La question liée à la ville de Montréal est rapidement réglée en faveur de l’AAM. Cf. le chapitre sur la création de l’association artistique.
11 « It is also my desire that the twelve pictures and two bronzes in the fortysecond paragraph of this my will, do remain in the possession of my two nieces until the death of the survivor of them, should they so wish to retain them when they will be given up to the said city of Montreal, represented as aforesaid by the said Art Association of Montreal to whom they are bequeathed by this my will ».
12 « As there are several paintings in my residence not sufficiently good to be placed in a public gallery I desire all those not named, and included in the list of paintings attached to this my will to be sold at auction with my other goods and effects save and except any paintings I may hereafter purchase. »