Entre 2011 et 2019, j’ai travaillé sur un doctorat interuniversitaire en histoire de l’art. Je place ici le brouillon de ma thèse. Vous pouvez consulter le plan complet du projet et une description de mon parcours. N’oubliez pas qu’il s’agit d’un brouillon.
3.2.3 L’intérêt des membres de l’AAM pour la question éducative
La mission éducative de l’AAM se devine aussi par l’intérêt manifesté pour ce domaine par les personnes ayant participé à sa création. Ainsi, des personnalités liées de près à l’Institut Canadien et au journal L’Avenir s’intéressent à l’association.
À cet égard, il importe de relever la présence d’Hector Fabre au sein du comité ayant rédigé les règlements constitutifs de l’AAM1. Fils d’un libraire arrêté pour son soutien aux Rebellions des Patriotes de 1837 et 1838, journaliste ayant présenté un texte sur Chevalier de Lorimier devant l’Institut Canadien de Montréal, bibliothécaire de cette institution depuis 1858, fondateur de l’Institut canadien-français en 1858, avocat, sa participation à ce comité peut se comprendre en l’inscrivant dans un désir général d’améliorer le sentiment à l’égard des beaux-arts dans la métropole canadienne2.
Il est rejoint par les avocats Godefroy Laflamme et Rodolphe Laflamme. Ce dernier possède une expérience pertinente puisqu’il fait partie du groupe ayant demandé la reconnaissance juridique de l’Institut canadien en 18523. Circulant dans le même réseau se trouve le signataire Louis-Antoine Dessaulles. Député de Rougemont depuis 1856, libéral et anticlérical, collaborateur au même journal depuis 1847, il est aussi membre de l’Institut canadien depuis 1855. Il en sera d’ailleurs le président à trois reprises entre 1862 et 18674. Tous ces francophones font partie des souscripteurs initiaux de l’AAM5.
D’une manière similaire, les anglo-saxons sont préoccupés par la question de l’éducation dont l’évêque anglican de Montréal Francis J. Fulford. Premier président de l’AAM, il est à l’origine de la pétition demandant au gouvernement canadien l’organisation de l’association6. Au moment de son implication, il est au Canada depuis 18507. Il y décède en 1868. Entre ces dates, il supervise l’érection de la cathédrale Christ Church en 1859.
Trois aspects de son mandat canadien illustrent son intérêt pour la question de l’éducation. D’abord, il est fortement impliqué dans l’administration de l’université Bishop et le recrutement de son clergé. Ensuite, il devient président du Montreal Committee of the Church and School Society. Cette association a permis de former des enseignants protestants pour les écoles paroissiales du Bas-Canada. Enfin, la question de l’éducation aux adultes le préoccupe puisqu’il donne son appui à l’Institut des artisans de Montréal.
Une autre figure importante au début de l’AAM est William Turnbull Leach. Né en Angleterre en 1805, ce ministre de l’Église d’Écosse arrive au Canada dans les années 18308. Il participe activement à la fondation du Queen’s College à Kingston en 1841. Surtout, il soutient l’université McGill durant plus de quarante ans. Il y occupe divers postes, allant de l’enseignement de la littérature, des mathématiques et de la logique jusqu’à l’administration. Il occupe la charge de doyen de la faculté des arts entre 1853 et 1886. Chanoine de la cathédrale depuis 1854, ses liens avec l’évêque anglican sont serrés puisqu’il devient son aumônier personnel en 1865. À la même époque, sa conférence sur les lacunes du système éducatif est publié9. L’intérêt de l’évêque et du chanoine pour l’éducation ne se limite pas aux établissements d’enseignement. En effet, les deux personnes se partagent la présidence de la Natural History Society montréalaise entre 1854 et 186010.
Sur le plan politique, l’AAM reçoit un soutien de membres du parlement. Au printemps 1860, au moment où sa création est débattue à l’Assemblée législative et au Conseil législatif, des personnes intéressées par la question de l’éducation l’appuient.
En 1860, Étienne-Paschal Taché accepte la présidence du conseil de l’Instruction publique et devient aide de camp du Prince de Galles lors de sa visite canadienne11. Pour sa part, James Ferrier est lié à l’administration de l’université du McGill College, président de l’Institution royale pour l’avancement des sciences entre 1845 et 1852 et généreux donateur de la Natural History Society à son décès12. Le 16 avril 1860, ces deux politiciens participent au Comité spécial du Conseil législatif créé lors de la seconde lecture du bill permettant l’incorporation de l’AAM13.
1 Voir Records of the Art Association of Montreal, 26 janvier 1860, document conservé au service des archives du Musée des beaux-arts de Montréal.
2 Voir l’entrée sur Hector Fabre dans le Dictionnaire biographique du Canada.
3 Voir l’entrée sur Rodolphe Laflamme dans le Dictionnaire biographique du Canada.
4 Voir la notice biographique « Louis Antoine Dessaulles », Assemblée nationale du Québec. Anciens parlementaires, [en ligne], <http://www.assnat.qc.ca/fr/patrimoine/anciens-parlementaires/dessaulles-louis-antoine-139.html>.
5 Document intitulé « Initial Subscribers », retiré des spicilèges de l’AAM, conservé au service des archives du Musée des beaux-arts de Montréal.
6 Journaux du Conseil législatif de la Province du Canada. 1860. p. 49-50.
7 Voir l’entrée sur Francis J. Fulford dans le Dictionnaire biographique du Canada.
8 Voir l’entrée sur William Turnbull Leach dans le Dictionnaire biographique du Canada.
9 The Rev. Canon Leach, A Great Work Left Undone; or The Desideratum in Systems of Education. A Lecture Delivered on the 26th January. 1864, Montréal, Lovell, 1864.
10 Hervé Gagnon, Divertir et instruire. Les musées de Montréal au XIXe siècle, Montréal, GGC Éditions, 1999, p.118.
11 Voir l’entrée sur Étienne-Paschal Taché dans le Dictionnaire biographique du Canada.
12 Voir l’entrée sur James Ferrier dans le Dictionnaire biographique du Canada. Son fils, James Ferrier Jr, prête des œuvres à l’exposition de l’AAM en 1867.
13 Journaux du Conseil législatif de la Province du Canada. 1860, p. 117.